La destinée de Baraqueville se révèle particulièrement intéressante car son aventure ressemble, par certains aspects, à celle des villes-champignons du far-west américain : l’histoire des « baraquiers » autorise, en effet, une comparaison avec celle des pionniers de l’ouest.
Le décor de cette contrée à l’époque de Louis XV se résume à une dorsale inoccupée, à un peuplement concentré dans les vallées et à des moyens de communication lents. L’ancienne voie romaine (relais au Lac, à la Mothe et au Pont de Tanus) et le Camin Roudanès (par le pont de Cirou) assuraient les échanges entre Rodez et Albigeois.
Panneau d’interprétation du patrimoine de Baraqueville réalisé par l’Association Ségala Vivant.
XVIIIème siècle : édification du réseau routier
Vers 1740, l’intendant de Montauban établit les plans d’un vaste réseau routier qui devait lui permettre de contrôler le Rouergue et le Quercy depuis le chef-lieu de la généralité. Lescalopier décida, en 1743, que la route n°3 (Villefranche-de-Rouergue, Millau) emprunterait la dorsale du Ségala. Dans le même temps, il détermina le tracé de la voie n°5 (Toulouse, Lyon) par Carcenac et arrêta un itinéraire commun entre la Baraque de Fraysse et l’Étoile de la Primaube. Lorsque les ingénieurs de Trudaine (fondateur de l’École des Ponts et Chaussées) exécutèrent les plans de Lescalopier, ils dessinèrent le carrefour des voies 3 et 5 dénommé « carrefour route d’Albi ».
La construction se déroula avec lenteur car les Ségalis, vivant en autarcie, ne portaient qu’un faible intérêt à ces voies. Les premières tranches de travaux s’effectuèrent grâce à la corvée, exigée aux communautés riveraines du chantier. Ces journées de prestation ne suscitèrent pas l’enthousiasme des autochtones car elles se déroulaient au printemps et à l’automne, nuisant parfois au bon déroulement des travaux des champs. Aussi supprima-t-on ce système en 1776. Les intendants ouvrirent également des ateliers de charité et employèrent cette formule en 1788 lorsque la grêle ruina les deux rives du Viaur.
Naissance de La Baraque de Fraysse
Au XVIIIe siècle, les charrois s’effectuaient au moyen de chars à bœufs, pour le trafic local, et de voitures à chevaux pour les échanges régionaux. Ces derniers concernaient aussi bien les voyageurs que les marchandises (notamment le courrier postal). Sur ces nouvelles routes, il s’avéra nécessaire d’implanter des relais-auberges. Ces établissements possédaient une étable à chevaux pour les changements de monture et quelques chambres pour les voyageurs qui entreprenaient de longs périples. Les premières « baraques » se manifestèrent au cours des dernières années de l’Ancien Régime sur la voie Toulouse-Lyon. Apparurent les baraques Saint-Jean, de Merlin, de Durand, d’Isidore, de Labit, de Vors, de Fraysse… prenant le nom de leur fondateur (Fraysse en 1810) ou du lieu habité le plus proche.
La Baraque de Fraysse,
Avenue du Centre
La Baraque de Fraysse connut une expansion très lente. Elle comptait 15 habitants en 1866 tandis que l’ancien péage de la Mothe en comportait 101 à la même époque. Son développement resta étroitement lié à la vie économique du Ségala. La crise agricole de 1885/1895 eut pour conséquence l’abandon des vallées et la mise en culture des plateaux. La dorsale bénéficia de ce renouveau et le « carrefour route d’Albi » devint un centre d’échanges avec l’instauration des foires. Celle du 26 Septembre, accordée par la Préfecture de l’Aveyron en 1872, obtint un vif succès, ce qui autorisa la création de deux marchés supplémentaires : le 23 Janvier (porc gras) et le 16 Juin (bœufs de travail). En 1887, l’attribution de trois nouvelles dates (28 Avril, 24 Juillet, 28 Octobre) porta à 6 le nombre des foires annuelles, malgré l’opposition du Lac et de la Mothe qui constataient le déclin de leur influence. En 1891, la Baraque de Fraysse groupait 12 maisons et 78 habitants. On notait déjà la présence d’un embryon commercial et artisanal auquel on joignit, 1892, une poste avec télégraphe. L’importance de la Baraque de Fraysse s’accrut avec l’arrivée du chemin de fer (1902) qui provoqua la première révolution agricole du Ségala. La proximité de la gare de Carcenac offrit la possibilité d’augmenter les échanges. Aussi en 1906, la foire devenait mensuelle et quelques artisans s’installèrent tout au long de la route préfigurant la longue rue actuelle.
Jour de foire à la Baraque de Fraysse
De la Baraque de Fraysse à Baraqueville
Face à cette croissance un peu anarchique et soudaine, la baraque de Fraysse dut choisir une nouvelle identité à la demande de l’administration des Postes. Le maire de Vors proposa une appellation très simple : Baraqueville.
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La période entre 1920 et 1931 correspond à l’expansion de la culture de la pomme de terre. En 1929, lors du maximum de la production, la gare de Carcenac expédiait 30 à 40 wagons par jour. La crise de 1931/1935 stoppa cet élan malgré la construction d’un silo à céréales en 1938. Le développement de Baraqueville ne connut une nouvelle impulsion qu’à partir des années 1960. Le bourg se dota d’un collège d’enseignement général vers 1965, d’une gamme variée de commerçants et d’artisans. Puis s’ajoutèrent le bureau permanent du Crédit Agricole et la Brigade de gendarmerie (transférée de Sauveterre). Partagée entre deux communes, Baraqueville ne pouvait supporter plus longtemps cette situation néfaste à la poursuite de son expansion. La fusion de Vors et de Carcenac-Peyralès permit la création de la commune de Baraqueville le 6 Novembre 1972 (officiellement le 1er Janvier 1973).
En construisant ces relais-auberges, le baraquier Fraysse ne pensait sûrement pas que ce simple lieu de passage deviendrait, 150 ans plus tard, un important centre de peuplement.
Cet article est extrait, avec son aimable autorisation, d’un livre de Daniel Crozes « Sur les Chemins du Ségala ».
Toutes les photos de l’histoire de Baraqueville sur le site Cartoclub 12